Une femme m’apparut de Renée Vivien

Une femme m’apparut de Renée Vivien

Titre Français : Une femme m’apparut

Titre Original : Une femme m’apparut

Auteur : Renée Vivien

Date de Sortie : 1904 réédité en 2008

Nationalité : Française

Genre : Autobiographie, Roman Contemporain

Nombre de Pages : 277 pages

Éditeur : Adventice

ISBN : 978-2-9524-0744-1

Une femme m’apparut : Quatrième de Couverture

Une femme m’apparut est l’histoire autobiographique d’une passion amoureuse inoubliable et fatale, celle que Renée Vivien, une petite Anglaise ayant adopté la langue française a vécue avec la célèbre salonnière Natalie Barney.

Roman à clef, Une femme m’apparut est aussi l’unique roman qu’a écrit Renée Vivien (pseudonyme de Pauline Tarn, 1877-1909), grande poétesse et figure incontournable de la littérature lesbienne. Il fut publié dans sa version originale pour la première – et dernière – fois en 1904. Totalement inédit depuis, il est resté un des introuvables de la littérature lesbienne.

Pour la première fois donc depuis plus d’un siècle, les éditions Adventice nous proposent de redécouvrir ce texte dans une édition complétée d’une sélection de poèmes, représentations de l’amour sensuel et érotique entre femmes, pour lesquelles Vivien s’était fait apprécier, déjà même avant sa mort prématurée à l’âge de trente-deux ans.

Une femme m’apparut : Avis Personnel

Renée Vivien est principalement connue – ce qui reste relatif, sa réputation étant bien loin de ce qu’elle mériterait – pour ses vers. Poète d’inspiration baudelairienne essentiellement, Renée Vivien s’était créé en son temps une place de premier plan dans le petit cénacle des « lesbiennes rive gauche », réunies à Paris au début du XXe siècle : elle en conserva son surnom de « Sappho 1900 ».

Cependant, Renée Vivien écrivit aussi de la prose – des nouvelles et un roman – qui, grâce à de récents travaux, trouve à nouveau sa place dans les rayons de nos librairies.

Ce roman, unique donc, met en scène Renée Vivien elle-même et ses proches, de façon souvent à peine voilée, d’où sa classification dans les romans à clef d’inspiration autobiographique.

Bien sûr, ce récit peut tout à fait se lire sans connaître le contexte de son écriture ni les personnes réelles auxquelles les personnages du roman se réfèrent, mais quitte à avoir une serrure – ô combien riche ! – entre les mains, autant pouvoir l’ouvrir…

Voici donc la trame principale du roman, et de la vie de Renée Vivien : le je narrateur représente Pauline Tarn (véritable nom de l’auteur), qui tombe amoureuse de Vally. En réalité, il s’agit de Natalie Clifford Barney, l’une des intellectuelles et salonnières les plus réputées de l’époque, amante et grand amour de Vivien. Le personnage d’Ione est quant-à lui le double de Violette Shilletto, amie d’enfance de l’auteur – sans doute aussi la première fille dont elle tomba amoureuse, sans qu’il y eut aventure. Autour de ce trio central gravitent d’autres figures facilement identifiables au vu de la biographie de Renée Vivien et qui accompagnent la narratrice tout au long du récit : je aime Vally d’un amour passionnel, quasiment destructeur, et entretient pour Ione une tendre amitié. À la mort d’Ione, je ressent une indescriptible culpabilité qu’elle reporte en partie sur Vally qui l’avait détournée de sa tendresse pour Ione, et qui lui est, en plus, totalement infidèle.

Viennent alors d’autres amantes, figures salvatrices ou démons séducteurs, brouillant les pistes dans le jeu amer de tromperie et de pardon qui oppose et réunit tour à tour je et Vally.

Toutes les correspondances entre fiction et réalité et toutes les subtilités de compréhension sont en tout cas condensées et éclaircies dans la préface du livre, ce qui est parfois bien utile !

L’éditeur a également tenu à rétablir la publication de 1904, celle d’origine, qui incluait des partitions. Vous trouverez donc au début de chaque chapitre une page de musique, correspondant à l’atmosphère imaginée par l’auteure pour le récit.

C’est un aspect très novateur, car c’est une des premières fois où un écrivain cherche à établir une sorte de « bande-son » calquée sur son texte, à la manière du cinéma naissant de l’époque.

Et vous verrez, si vous connaissez les morceaux ou si vous avez la curiosité de les chercher et de les écouter en même temps que votre lecture, ça change tout et c’est une expérience très particulière !

Enfin, détail non négligeable, une anthologie de poèmes a été ajoutée à la fin de l’ouvrage, occasion de (re)découvrir le talent extraordinaire de Renée Vivien pour l’art de la poésie…

Un livre très original donc, qui, en plus d’une lecture agréable teintée de poésie et de cette ambiance si particulière propre à la littérature du début de siècle, permet une incursion dans la vie de Pauline Tarn/Renée Vivien et dans la petite société lesbienne parisienne qui l’entourait.

Une femme m’apparut : Extraits

« Viens ce soir… Je suis avide d’étoiles. » écrivais-je à la hâte. Les prunelles de Vally semblaient me contempler ironiquement à travers les orchidées bleues aux grappes tombantes. Je joignis à ce court billet les larges fleurs d’hiver qu’elle aime, les fleurs de l’art qui ne connaissent point le libre épanouissement dans l’air et le soleil.
Je sortis sous la pluie crépusculaire, et je m’enivrai mortellement de la merveilleuse tristesse des soirs de bruine. Je portais au cœur une mélancolie fébrile.
« Vally, » murmurai-je à travers la brune, « Vally »… Son nom revenait sur mes lèvres ainsi qu’un sanglot.
J’évoquai l’heure déjà lointaine où je la vis pour la première fois, et le frisson qui me parcourut lorsque mes yeux rencontrèrent ses yeux d’un acier mortel, ses yeux aigus et bleus comme une lame. J’eus l’obscure prescience que cette femme m’intimait l’ordre du destin, et que son visage était le visage redouté de mon Avenir. Je sentis près d’elle les vertiges lumineux qui montent de l’abîme, et l’appel de l’eau très profonde. Le charme du péril émanait d’elle et m’attirait inexorablement.
Je n’essayai point de la fuir, car j’aurais échappé plus aisément à la mort.

Enfin, l’aube se leva dans mes ténèbres, et la grise apparition des êtres et des choses remplaça les effrois du délire. Dès que je pus entendre une parole humaine, on m’apprit qu’Ione était morte.
Elle reposait en un caveau funèbre. Son étroit cercueil était paré de violettes blanches. A travers la pénombre, je distinguai, avec un grand frisson, trois autres cercueils pareils à ceux que j’avais vus dans mon délire.
Je demeurai toute la journée parmi les morts. Je ne m’en allai que vers la nuit. Le parfum des fleurs agonisantes se mêlait à je ne sais quelle odeur fade, qui m’épouvantait. Par intervalle, le bois des cercueils craquait dans le silence, une rose s’effeuillait, avec un bruit très doux.

« Ne sentez-vous point une odeur tenace d’encre d’imprimerie ? » demanda San Giovanni, les narines dilatées.
Le couchant ocellé entrait par les fenêtres de son cabinet d’étude.
« Sans doute, » acquiesçai-je. « N’est-ce point là le plus subtil encens qui puisse flatter une Divinité littéraire ?…

– Taisez-vous, » interrompit San Giovanni. « J’ai la nausée de tout ce qui s’exprime en vers ou en prose.

– Moi aussi, » sourit ma Prêtresse.

Dédaigneuse, elle se tourna vers moi.
« Sais-tu pourquoi je me plais dans la compagnie de cet aimable gentilhomme que tu appelles ridiculement le Prostitué ? Parce qu’il a prononcé l’autre jour ce mot exquis : « Moi, mademoiselle, je ne lis jamais. » Si j’avais en moi la possibilité d’aimer, je lui aurais voué une passion profonde pour ce mot, jailli de sa bienfaisante ignorance comme d’une source très claire. »

A propos de Julia Clieuterpe

Chroniqueuse occasionnelle

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