La vie d’Adèle : Interview de Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos, interprètes respectives d’Emma et Adèle

Léa Seydoux et Adèle Exarchopoulos

Interview accordée à Marlow Stern le 1er septembre 2013 pour le site The Daily Beast.com

Et le mariage homosexuel n’a pas été autorisé en France avant mai, bien avant que vous ne finissiez de tourner le film. C’est un film important. Il est rare de voir une représentation si honnête de l’amour entre deux jeunes femmes à l’écran.

LÉA : C’est génial. En France ce n’est pas encore sorti mais à Cannes c’était énorme et je pense que cela fait partie des raisons pour lesquelles il a été aimé. Ce film est très moderne. C’était une nouvelle façon de faire des films. Nous n’avons jamais vu de films comme cela auparavant, une histoire d’amour aussi réaliste. Et cela en dit beaucoup sur les jeunes d’aujourd’hui. C’est un film qui parle d’amour. Je ne pense pas vraiment que ce soit un film qui traite d’homosexualité, c’est plus que ça.

L’homosexualité n’est plus taboue maintenant – bien que cela ne soit pas considéré comme « moral » par tout le monde – et c’est comme ça que ça devrait se passer.

ADÈLE : Sans être militante, Adèle avait vraiment un faible pour ce mouvement à cause de la façon dont elle a été élevée. Donc pour elle, c’est simplement normal. Il y a des choses que vous ne pouvez pas contrôler, donc elle pense que c’est très bizarre lorsque les gens disent que c’est contre nature et ne comprend vraiment pas pourquoi les gens en ont quelque chose à faire. Avant que le mariage gay ne soit légalisé en France, il y a eu d’immenses manifestations en France avec des mères et leurs jeunes enfants qui criaient de terribles insultes.

Exact. J’ai grandi autour de pas mal de personnes homosexuelles, donc tout est dû à l’expérience. Les gens ont peur de ce qu’ils ne connaissent pas, ou ne comprennent pas. Mise à part la scène de sexe, quelle fut la scène la plus difficile à tourner pour vous ?

LÉA : Toutes les scènes émotionnelles. [Kechiche] cherchait toujours quelque chose parce qu’il n’était pas vraiment sûr de ce qu’il voulait. Nous avons passé des semaines à tourner certaines scènes. Même traverser la rue était difficile. Dans la première scène lorsque nous nous croisons et que c’est le coup de foudre, cela ne dure que trente secondes mais nous avons passé la journée à tourner : plus de cent prises. À la fin je me souviens, j’étais prise de vertiges et ne pouvait même plus m’asseoir. Et à la fin, [Kechiche] s’est mis dans une colère noire parce qu’après cent prises je suis passée à côté d’Adèle et ai un peu ri, parce qu’on se passait à côté et qu’on en pouvait plus de faire ça toute la journée. C’était tellement tellement drôle. Et [Kechiche] est devenu si fou qu’il a pris le petit écran à travers lequel il regardait et l’a jeté dans la rue en criant « Je ne peux pas travailler dans ces conditions ! ».

ADÈLE : On a dit « Désolées, nous avons tourné cette scène cent fois et nous avons ri une fois ». Et c’était un vendredi et nous voulions aller sur Paris voir nos familles, mais il ne nous a pas laissées. Mais moi j’ai toujours pris des trains en secret pour aller voir mon petit-copain.

Donc… est-ce que vous avez au moins apprécié ce tournage? On ne dirait pas.

LÉA : C’était horrible.

ADÈLE : Dans chaque tournage il y a des choses que vous ne prévoyez pas, mais chaque génie a sa complexité. [Kechiche] est un génie mais il est torturé. Nous voulions donner tout ce que nous avions mais parfois il y avait une espèce de manipulation, ce qui était difficile à gérer. Mais ce fut une bonne expérience d’apprentissage pour moi, en tant qu’actrice.

Retravaillerez-vous avec Kechiche de nouveau ?

LÉA : Jamais.

ADÈLE : Je ne pense pas.

Mais ne pensez-vous pas que c’est le résultat qui compte ? C’est un film tellement brillant.

ADÈLE : Oui, parce que vous voyez que nous souffrions réellement. Avec la scène de la bagarre, c’était horrible. Elle me frappait tellement et [Kechiche] criait « Frappe-la ! Frappe-la encore ! »

LÉA : En Amérique on serait tous en prison.

Vous la frappiez vraiment ?

ADÈLE : Bien sûr ! Elle me frappait vraiment. Et lorsqu’elle me frappait, il y avait des gens qui criaient « Frappe-la ! » et elle ne voulait pas me frapper, donc elle me disait « désolée » avec les yeux et puis me frappait vraiment fort.

LÉA : [Kechiche] tournait avec trois caméras, donc la scène de la bagarre était une prise d’une heure en continu. Et durant le tournage, je devais la pousser à travers la porte de verre et crier « Maintenant va-t-en ! » et [Adèle] a frappé la porte et s’est coupée, elle saignait de partout et pleurait avec son nez qui coulait et puis après [Kechiche] a dit « Non, on n’a pas fini. On recommence ».

C’est marrant que vous mentionniez le nez qui coule, parce qu’en regardant la scène avec vous deux au dîner, j’étais vraiment inquièt que le filet de morve n’aille dans votre bouche.

ADÈLE : J’essayais de me calmer, parce que nous avons tourné tellement de scènes intenses et il n’a gardé que seulement dix pourcent du film. Ce n’est rien comparé à ce que nous avons fait. Et dans cette scène, elle essayait d’empêcher mon nez de couler et [Kechiche] criait « Non ! Embrasse-la ! Lèche sa morve ! ».

Donc c’était vraiment un tournage exténuant. Quelle fut la première chose que vous avez faite lorsque le tournage s’est arrêté ?

LÉA : Et bien, Dieu merci nous avons gagné la Palme d’Or, parce que c’était si horrible. Donc maintenant c’est cool que tout le monde aime le film et que ce soit un gros succès. Mais j’ai pris cinq jours de congés et j’ai fait genre… trois films d’un coup.

ADÈLE : Je suis allée en Thaïlande avec mon copain sans portable, personne pour me dire « Fais-ci, fais-ça » et « Frappe-la encore ». J’étais [peace and love], je fumais de l’herbe, me faisais faire des massages, whou !

Interview Originale sur le Site The Daily Beast.com

A propos de Lou Morin

Traductrice Anglais/Français

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