Perruche : Interview de la Scénariste et Réalisatrice Roxanne Gaucherand

Perruche : Interview de la Scénariste et Réalisatrice Roxanne Gaucherand

Interview accordée à Isabelle B. Price le 22 Avril 2013 pour le site Univers-L.com

Pouvez-vous vous présenter et nous parler de votre parcours ? Avez-vous toujours voulu être réalisatrice ?

Quand on est un garçon manqué aux cheveux frisés, le primaire et le collège sont généralement des passages compliqués. Il fallait que je trouve un moyen de me sauver face à mes camarades. Comme je ne savais ni chanter, ni danser, il ne me restait plus que le cinéma. Je pense que j’ai presque toujours voulu être réalisatrice. En sortant du lycée, j’ai d’abord appris l’image en BTS audiovisuel, puis suis rentrée à l’INSAS en réalisation après un passage éclair aux Beaux-Arts de Lyon. J’avais envie d’apprendre la technique pour garder les pieds sur terre.

Comment est née l’idée de ce court-métrage ?

L’INSAS propose en deuxième année un exercice « Découpage », qui est en fait le premier exercice libre où chacun peut écrire et réaliser un petit projet de cinq minutes accompagné par des professeurs.  J’avais commencé par plancher sur un film d’horreur incestueux, et trois semaines avant le tournage, j’ai perdu foi et ai décidé de changer complètement de scénario. Je me disais qu’il fallait quelque chose de plus léger. Comme la représentation de l’homosexualité féminine m’a toujours tenue à cœur, c’est assez naturellement que je suis allée vers cette histoire un peu autobiographique.

Pour ce qui est de l’arrêt du temps, ça remonte surement à mon adolescence où je m’imaginais souvent déambuler dans l’école figée pour observer les gens à ma guise. Plusieurs fois j’ai essayé de l’inclure dans un film, et cette fois ça m’a semblé approprié.

Quelles ont été vos inspirations ?

Quand j’ai parlé à mon prof de l’idée d’arrêter le temps, il m’a conseillé le film « The Future » de Miranda July. Ça a été un énorme coup de cœur et Miranda July continue d’être un modèle pour moi maintenant.

Perruche est un projet d’études. N’avez-vous jamais eu peur de traiter de l’homosexualité féminine dans ce cadre ?

Un petit peu si… Surtout que ce n’est pas la première fois, j’avais peur d’être un peu cataloguée. Heureusement, mes amis qui ont été emballés malgré le « oui je veux faire un film de lesbienne qui arrête le temps ! » m’ont encouragée à me lancer.

D’ailleurs en parlant de projet d’étude, où avez-vous trouvé le budget pour réaliser le film ?

À vrai dire le film ne nous a coûté que les trente euros de nourriture pour l’équipe. Comme nous n’avions que très peu de temps et  pas d’argent pour réaliser ce projet, j’ai choisi de filmer en caméra portée et de ne pas utiliser de lumière, ou presque. Mon ami Noah nous a prêté son appareil photo 5D et on a tourné comme ça, chez nous et dans la rue en sortant de cours.

Pouvez-vous nous expliquer la manière dont se sont formés l’équipe technique et le casting pour Perruche ?

Comme on se connaît tous dans l’école, ça s’est fait par affinités pour l’équipe technique. Je n’avais jamais travaillé avec des vrais acteurs jusque-là et l’idée m’angoissait un peu. J’ai donc choisi des amies pour jouer, avant même d’écrire le scénario. Je pense que j’ai un peu écrit les rôles en fonction d’elles, d’ailleurs.

Les courts-métrages commencent juste à être mis en ligne par leurs auteurs pour être vus par le grand public. Pourquoi avoir choisi de le proposer ainsi gratuitement plutôt que de le présenter dans des festivals ?

Quand le film a été fait, on ne s’imaginait même pas l’envoyer en festival. C’était un exercice. Finalement il nous a plu et on a voulu le partager. Comme on se voit encore comme des étudiants, on ne se prend pas du tout au sérieux. Ce qui nous tient le plus à cœur, c’est de le partager. Je repense à moi plus jeune, en quête de personnages auxquels m’identifier. Ça m’encourage à le diffuser le plus possible.

D’ailleurs, c’est un peu par hasard que j’ai inscrit le film au festival Polycule. À notre grande surprise on a remporté le prix fiction face à  des films aux budgets incomparables. Ça nous a encouragés alors je pense qu’on va frapper à d’autres portes, même si effectivement certains festivals refusent les films disponibles sur Internet pour garder une exclusivité.

J’ai adoré le baiser de fin. Est-ce qu’il a été facile ou difficile à tourner ? Longuement chorégraphié ou répété ? Quel est son secret ?

Merci beaucoup !

Même s’il a fallu s’y prendre plusieurs fois, il a été plus facile à tourner qu’on ne le pensait. Comme les deux actrices sont amies, j’ai pensé qu’il fallait qu’on le répète avant. Je leur ai donné une biographie complète des personnages pour qu’elles les situent bien. Ensuite on a tourné la scène du baiser dont parle Louise seulement toutes les trois, juste pour la faire exister vraiment même si elle ne figurait pas dans le film. Ça a brisé la gêne je pense. À partir de là, ce sont les intentions qui ont guidé le jeu, soutenu également par le montage.

Qu’aimeriez-vous que les gens retiennent de Perruche ?

De la joie. Et une autre image de l’homosexualité peut-être, un peu moins grave. La peur de perdre un ami c’est universel.

Est-ce que vous avez envie d’aborder à nouveau le sujet de l’homosexualité féminine dans un court-métrage ? Un long-métrage ?

Très certainement. Je pense qu’avec tout ce qui se passe en ce moment en France, on a encore beaucoup de travail sur la représentation des lesbiennes. Peut-être plus que les hommes d’ailleurs. Il faut dire qu’on est là, et qu’on vit les mêmes choses que les autres pour ne plus entendre que ce n’est pas normal. Faire des films comme on en ferait n’importe quel autre, mais avec des homos dedans en fait.

Que peut-on vous souhaiter pour l’avenir ?

D’apprendre beaucoup et de travailler assez pour figurer à nouveau sur votre site avec des long métrages.

A propos de Isabelle B. Price

Créatrice du site et Rédactrice en Chef. Née en Auvergne, elle s’est rapidement passionnée pour les séries télévisées. Dès l’enfance elle considérait déjà Bioman comme une série culte. Elle a ensuite regardé avec assiduité Alerte à Malibu et Les Dessous de Palm Beach avant l’arrivée de séries inoubliables telles X-Files, Urgences et Buffy contre les Vampires.

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